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Le Mans

C’est sous un ciel d’orage que nous avons découvert Le Mans le 30 aout 2020. Nous avions l’habitude de passer à proximité pendant nos séjours en Bretagne, mais nous n’avions jamais pris le temps de garer la voiture et de traverser la vieille ville.

Ce jour là, il n’y avait pas foule : Covid + Dimanche + rentrée scolaire approchant

Nous avons été forcément très impressionnés par la fabuleuse cathédrale qui surplombait la ville. Les couleurs du ciel l’ont rendu presque ténébreuse et inquiétante

Le nombre de marches ne nous a pas effrayés, mais je me suis quand même dit qu’il valait mieux ne pas avoir mangé avant. L’immense parvis accueillis doit être magnifique en saison de mariages !

Je pense que si ce restaurant avait été ouvert, nous y aurions mangé !

Malheureusement, l’équation Covid + dimanche de fin de saison ne nous a pas laissé le choix. Il n’y avait qu’un seul restaurant ouvert sur la place de la Mairie. Nous avons dû attendre l’heure du service ce qui a été assez contraignant avec des enfants (sous la pluie, j’aurai préféré qu’on nous laisse entrer et prendre l’apéro en attendant midi !)

Vous avez remarqué ? Le Dragon était en couleur locale… Toujours à se faire remarquer hein !

Nous avons déjeuné au restaurant Le Saint Pierre

Le service a été rapide et très efficace, il n’y a pas eu de temps mort. Nous avons déjeune à notre rythme mais sans perdre notre après midi !

La serveuse semble connaître tous ses clients et ils étaient finalement très nombreux à passer la porte après nous (en même temps, si c’était le seul resto ouvert hein…)

Les plats étaient copieux et délicieux. On s’est vraiment tous régalés sans y laisser un rein.

Coup de cœur pour les frites en rabe apportée pour l’ado affamée en pleine croissance, c’était adorable !

L’après midi s’est clôturé chez des amis, après une dernière ballade sur les pavés

C’est vraiment une jolie ville qui mérite qu’on prenne le temps de la voir !

J’espère qu’on aura l’occasion d’y passer un week end dans un avenir proche (et sans Covid)

Maman, quand est-ce qu'on sort ?

J9. Nous sommes le mardi 24 mars 2020. Je me suis réveillée avec Julie la Petite Olive dans la tête. Il reste 276 jours avant Noël. Mais y aura t-il Noël ? Mon imprimante est vide, mon Dragon imprimera les 30 pages de la collégienne au taf (oui, il travaille encore) et je bénis la directrice de la primaire qui joue les facteurs dans le village pour mon gars et ma puce. Aujourd’hui, je me demande comment c’est ailleurs. Est ce que les gens ont la vie qu’ils décrivent ? Est ce qu’ils passent 3h le matin avec une recré à faire travailler les enfants, et remettent-ils ça l’après midi ? Vous faites réciter les leçons vous ? Nous nous sommes volontairement coupés des informations, quand je veux le nombre de morts, je le cherche sur un site fiable. Même sur Twitter j’ai masqué pas mal d’infos entrantes et angoissantes. Je dors déjà mal de base, je suis déjà angoissée de base, j’ai des attaques de panique presque 2x la semaine, alors tout ce qui peut accroître le stress est proscrit de la maison.

J12. Vendredi 27 mars 2020. Les entreprises ferment, même celles d’alimentation. L’armée prend le contrôle des entrepôts, des magasins et de la distribution. C’est la mise en place du rationnement. Toutes les semaines un carton de première nécessité sera déposé devant les portes d’entrées. Il faut afficher sur la porte une attestation avec le livret de famille pour le nombre d’enfants et on doit être tous présents derrière la porte pour que les soldats vérifient qu’on ne triche pas. Si on a des besoins spécifiques (traitements médicaux, ordonnances, hygiène…) il faut faire la demande en ligne et joindre des documents officiels pour justifier. Le confinement est total. Même le jardin n’est pas un lieu autorisé.

J18. Jeudi 2 avril 2020. Nous avons reçu notre premier colis ce matin. Il y a 2kg de farine, 3 litres de lait, 2kg de pâtes, 2kg d’haricot vert, 2 kg de lentilles, un sac de pommes de terres, 1 litre d’huile, 1kg de sucre, 6 rouleaux de papier toilettes, 1 kg de flocons d’avoine, 1kg de compote de pommes, 15 oeufs, 500g de beurre, 1kg de café. Un petit guide avec des recettes établies par des nutritionnistes est joint, avec les quantités par personne. Sur les réseaux sociaux chacun met la photo de son panier, on pioche même dans les recettes des grands parents (croquettes clémenceau sans lait, sans beurre, sans lait ou le potage à l’avoine ou le roti sans viande) Le soir à la télévision, le gouvernement annonce que les animaux doivent faire leur besoin dans la nature car la distribution de litière n’est pas prévue pour eux. Libre à ceux qui le souhaite de donner leur ration à leur animal, il n’y aura pas non plus de distribution de croquettes. Nous avons deux chats. Les larmes coulent sur mes joues. Les comptes en banque sont gelés, rien ne rentre, rien ne sort. On ne verse plus les salaires mais les prêts ne sont pas décomptés, ni les factures d’énergie.

J21. Dimanche 5 avril 2020. C’est l’anniversaire de mon fils. J’ai fait un gâteau. Nous avions acheté des cadeaux depuis des semaines. Je pense avec tristesse aux enfants pour qui ce n’est pas le cas. Il pleut.

J25. Jeudi 9 avril 2020. Le colis contient des carottes et des courgettes. Les colis de base sont agrémentés selon les agriculteurs à proximité. Nous sommes favorisés selon notre lieu de vie. Le soir, le gouvernement annonce une année blanche. Les élèves feront l’année scolaire suivante dans le même niveau. Ceux qui sont en 6ème restent en 6ème, les terminales en terminales. Les instituteurs et professeurs n’ont plus l’obligation du PCA. Les enfants de soignants sont pris en charge par les militaires dans des tentes de confinement au pied des établissements de soins.

J31. Mercredi 15 avril 2020. L’internet mondial est saturé. Le gouvernement annonce des heures de connexion selon notre secteur géographique. Habitué à travailler la nuit, chéri est volontaire pour l’utilisation de 3h à 7h. La télévision via internet ne diffusera qu’une seule chaîne et un programme unique dès demain. Les enfants attendent le colis de demain avec impatience, ils espèrent toujours de la viande. Nous ne leur avons pas dit que la viande et le poisson étaient réservés au corps médical et à l’armée.

J39. Jeudi 23 avril 2020. Il y a beaucoup de coupures de courant. Nous avons reçu des bougies dans notre colis. L’utilisation des téléphones est réglementée pour ne pas saturer les réseaux. On doit utiliser le même créneau que pour internet. Maman a un créneau de 15 à 19h, on s’enverra des mails en décalés. La voisine est morte, on a vu les militaires venir chercher son corps. Son mari pleurait sur le pas de la porte.

J42. Dimanche 26 avril 2020. Notre chat Alsace est toujours là. Il reste au pied de l’escalier de la maison, on le fait rentrer dès qu’il gratte la porte. Il nous couvre de ronrons. Nous partageons avec lui un peu d’œuf dur. La petite Bretagne n’est pas revenue depuis 5 jours. Les enfants sont tristes. Pour remonter le moral des troupes je décrète ce jour « pyjama day » et je fais des pains au chocolat. On se régale avec les restes du congélateur, cannellonis et lasagnes chèvre-épinard. Et même une glace en dessert. La journée c’est long, on joue ++++ sur les consoles, on fait des jeux de société, on lit aussi beaucoup. Je n’ai pas dit aux enfants qu’on ne recevait plus rien de l’école, je continue la classe 2h tous les matins en improvisation totale.

J46. Jeudi 30 avril 2020. Les militaires sont venus chez le voisin. Et chez d’autres habitants du village. Un soldat a mis sa ration dans notre colis. J’ai fait une mousse au chocolat.

J50. Lundi 4 mai 2020. Il y a un mois, tout le monde pensait que ce jour là les enfants seraient à l’école. Et nous sommes toujours dans la maison. Il y a de plus en plus de chiens errants dans le village. On se mets aux fenêtres pour les regarder. Les cloches ont sonné 4 fois, il y a eu 4 morts aujourd’hui. On n’arrive plus à suivre les infos sur Twitter, le site a crashé. Facebook également. Skype ne fonctionne plus. J’arrive encore à envoyer des mails, mais je n’en reçois plus. De personne. La télé diffuse maintenant de la musique en continu, avec un bandeau et le décompte des morts, leur nom, leur âge, leur lieu de vie.

J60. Jeudi 14 mai 2020. Alsace n’est pas venu hier. J’ai coupé les cheveux de mon mari et de mon fils. Je ne me souviens plus de la dernière fois que j’ai mis des chaussettes.

J68. Jeudi 22 mai 2020. Le gouvernement a annoncé une reprise partielle de l’économie. Les entreprises alimentaires, d’énergie et de télécommunications sont invitées à rouvrir dès lundi. Il ne faut pas utiliser les voitures mais utiliser les cars de l’armée qui passent dans les rues et les villages. Ceux qui travaillent normalement de nuit travaillent de jour. De 18h à 6h personne ne doit être dehors. Il y a des attaques de chiens, et il y a des gens qui pillent les maisons vides. Hier il y a eu des coups de feu derrière la maison.

J72. Mardi 26 mai 2020. Chéri est rentré très triste du travail, il a perdu 5 collègues et son chef. Il faut tout réorganiser. Beaucoup de transporteurs et de routiers manquent à l’appel. Jeudi ça sera le dernier colis de rationnement.

J77. Dimanche 31 mai 2020. Nous ne pouvons pas encore faire les courses mais nous pouvons commander ce que nous voulons par internet et l’armée fait la livraison le jeudi. J’ai commandé du vin. Rouge, blanc, rosé et même le dégueu du Jura. Avec les enfants nous avons fait des guirlandes en papier crépon et j’ai accroché la couverture faite avec toutes mes chutes de tissus à la fenêtre. On s’impatiente, comme la veille d’un départ en vacances.

J82. Vendredi 5 juin 2020. Les militaires sont affectés à ramasser les animaux errants. J’en déduis que nous allons bientôt sortir. Alsace est rentré. Hier on a bu. J’ai mal à la tête.

J88. Jeudi 11 juin 2020. Il y a eu un grand recensement cette semaine pour réorganiser les entreprises. J’ai été appelé pour reprendre mon ancien poste de téléconseillère en attendant que l’entreprise recrute. Sur 10 personnes du service, ils n’en restent que 2. Je n’ai même pas pensé à négocier mon salaire. Le couvre feu sera levé dimanche soir, les gens sont invités à descendre dans les rues pour faire la fête. Nos comptes en banque nous sont rendus. Les banques ont reçu ordre de reprendre une activité normale le mois prochain, chaque prêt reprendra normalement sans récupération des sommes précédemment dûes. Lundi, je déposerai mes enfants à l’école.

J91. Dimanche 14 juin 2020. C’est le dernier jour. J’annonce aux enfants qu’on pourra sortir ce soir. Ils n’en croient pas leurs oreilles. On décide de s’habiller, de mettre des paillettes et de la couleur, d’ouvrir les fenêtres pour entendre le village reprendre vie. A 20h il y a une sirène, nous sommes déjà sur le pas de la porte. Tout le monde pleure. On est resté jusqu’à plus de minuit à déambuler dans le village. Les enfants ont croisé des copains, on est encore imprégné de la distance sociale, alors les bisous et les mains serrées attendront un peu mais les sourires sont là.

J1. Lundi 15 juin 2020. Il est 9h. Je suis au bureau, les enfants à l’école. Mon mari a repris son travail de nuit. Bretagne était devant la porte ce matin. Les téléphones sonnent de partout. Je reçois tous les mails bloqués depuis des semaines, des annonces de décès, beaucoup. Ce soir on a organisé une sorte de fête des voisins mais à l’échelle du village. Ce soir on boit, et on danse.

Fiction écrite le 24.03.2020

Et surtout, prenez soin de vous !

Ce n’a pas été un coup de massue. Etant du genre stressée, forcément j’ai suivi tout ça avec une certaine appréhension. Comme beaucoup j’ai essayé de m’auto-rassurer (la grippette) et de ne pas (trop) focaliser sur la situation en Chine. Râtée.

Nous sommes le 18 mars. Depuis 2 jours nous sommes en confinement. Certains français font de la rébellion, ils restent dehors, ils se retrouvent, ils s’embrassent. On a l’impression d’être à l’école avec les provocateurs et les bons élèves.

Je ne sais même pas si je suis dans le « bon camps ». Sur les forums, les réseaux sociaux, et même à la télé, il y a encore des gens qui parlent d’un complot, qui parlent de manipulation, qui soutiennent que le virus n’existe pas.

Cette humanité m’épuise. Elle croit facilement en un dieu qu’elle n’a jamais vu mais il va falloir qu’on lui montre des milliers de morts pour intégrer la dimension réelle et grave de la situation.

Les enfants n’ont plus classe. Ce sont les parents qui font l’école à la maison. Les parents qui n’ont pas de métier indispensable restent chez eux, soit ils travaillent sur ordinateur, soit ils sont au chômage. Le corps enseignant s’adapte, fournit les supports par mail, il y a même des classes virtuelles avec la webcam et le micro. La société s’adapte.

Le monde change de regard sur ceux qui donnaient déjà leur vie hier et qui continuent de se sacrifier aujourd’hui : les soignants. Ils sont applaudis aux fenêtres le soir, ils sont encouragés, ils sont remerciés par des photos, des pizzas gratuites, des vidéos…

Des initiatives naissent de cet isolement physique. Nous parents, sommes plus souples avc les écrans pour faciliter des échanges sur skype ou autres système de communication à distance. Les astuces tournent plus vite que des toupies, la boite à je m’ennuie, les coloriages, les applications linguistiques, les podcast, des tutoriels de fabrication (jeux en carton, circuit de voiture…)

Il y a forcément quelque chose qui va ressortir de tout ça. Mais quoi ? Qu’on a si peu mis de moyens dans le monde médical qu’une pandémie causera note perte ? Que le président américain a tenté d’acheter le vaccin pour son propre compte personnel ? Que la France n’a pas écouté les mises en gardes de ses voisins et que ce pays a un stock infini de voleurs de masques, de revendeur de gel hydro-alcoolique et de rebelles du confinement ?

Peut être qu’on retiendra la leçon, ou peut être pas.

Partagée entre la profonde tristesse de voir que cette humanité part en couilles et la colère face à tout ce qui se passe, doucement je commence à prendre conscience que c’est là l’enjeu de notre civilisation : la liberté.

Avons nous pris goût à cette liberté ? je ne sais pas. Mais aujourd’hui quand on nous demande d’y renoncer quelques semaines, le peuple se crispe, le peuple rage, le peuple descend dans la rue. Pourquoi ? Par peur d’en être privé plus longtemps ? Par peur d’un tyran qui garderait pour lui les pouvoirs donnés en temps de crise ? Par peur que ce soit la dernière fois ?

Se pose t-il la question suivante : Pourquoi vivre si c’est pour être enfermé ?

L’incompréhension résonne. Pour chaque humain sur les quais de Seine, une mère va pleurer un parent, un fils ou un mari. Pour chaque homme ou femme qui achètera ses 4 paquets de 24 rouleaux de papier toilette, un enfant croisera les doigts que sa maman, caissière, ne ramène pas le Covid19 à la maison. Pour chaque couple qui s’invitera pour « le dernier apéro », les soignants crieront à l’aide pour choisir entre une femme de 38 ans et un homme de 42 ans. Qui aura le dernier respirateur ?

Nous ne pouvons pas résonner l’humain. Il a peur, son système ne répond plus qu’aux besoins primaires (faire du stock, fuir) et les émotions sont plus fortes que le reste. Ce besoin d’être ensemble, de se réunir, habituel en cas de fête, en cas de victoire sportive avait déjà été étendu dans de dramatiques circonstances (les attentats) mais aujourd’hui, avons nous une raison de se retrouver et de faire la fête ? Avons nous ce besoin de cohésion sociale physique, alors que c’est tout l’enjeu de ce confinement que de nous éloigner les uns des autres pour permettre de sauver des vies ?

Le monde va changer. Il y aura ceux qui auront suivi les règles, appliqué les consignes, et il y aura les autres : les rebelles, les anti-, les Saint Thomas, les complotismes, les nihilistes. Il y aura le monde de demain qui saura tirer les leçons. Il y aura les humains d’hier et leurs stocks de pâtes pour 8 générations. Il y aura des morts, et ceux qui continuerons de répéter que tout va bien, que les chiffres sont truqués et qu’on nous a menti.

Nous sommes le Bruce Willis d’Armageddon. Nous sommes la clé.

Il est de notre responsabilité de transmettre, d’éduquer, de montrer aux générations futures ce qui se passe aujourd’hui : laissez une trace, pour que demain on se souvienne.